Fabien, militant Alternatiba/ANV-COP21, a profité du confinement pour faire le point sur la situation agricole globale de la planète.
Agriculture et Alimentation : une vue d’ensemble
La place de l’alimentation dans notre société s’est progressivement dégradée alors que c’est elle qui nous fait vivre. La crise actuelle nous permet de rappeler l’importance d’une sécurité alimentaire et les contraintes pour que chacun ait accès à une alimentation de qualité. Mais dans notre monde interconnecté et complexe, lorsque l’on parle d’agriculture c’est tout un système qui est concerné dont les principales composantes sont : les intrants agricoles, la production, la transformation, la distribution, la consommation, les déchets, le tout soumis à des politiques foncières et agricoles. Il est important d’avoir cette vision systémique en tête lorsque l’on évoque les constats et les solutions à apporter.
La nature décline à un rythme effréné et l’agriculture a sa part de responsabilité :
- 75% des sols sont dégradés au niveau mondial (à cause de l’utilisation de produits chimiques, du tassement des engins, de la déforestation liée à notre expansion agricole…) et nos pratiques ont des conséquences multiples et inestimables sur notre environnement (destruction de la biodiversité sur terre et en mer, perte de diversité génétique, perte de rendement agricole mondial par rapport aux débuts de l’agriculture industrielle, perturbation des écosystèmes aquatiques par l’apport excessif d’engrais, augmentation des GES, augmentation des particules fines à cause de l’épandage, etc…).
- Alors que le pâturage représente 26 % de la surface émergée du globe, ce sont au total 70 à 78 % des terres agricoles qui sont utilisées directement ou indirectement pour l’élevage.
- La loi du marché fait déforester d’un côté et planter la culture la plus rentable d’un autre côté. L’accaparement et la destruction des terres se fait pour nourrir les pays les plus développés au détriment des populations les plus pauvres qui en subissent les conséquences sociétales et sanitaires tout en dégradant la résilience des sociétés et la qualité alimentaire partout dans le monde (obésité, diabète…).
Forêt brulée pour l’agriculture au sud du Mexique – CC By par Jamidwayer
La crise du Covid-19 met en lumière le fait que la modification de l’équilibre de nos écosystèmes peut impacter la totalité
des humains dela planète.
L’agriculture joue donc un rôle primordial et pourtant en France le nombre d’agriculteurs est en baisse constante car ce métier est difficile, soumis à d’énormes contraintes extérieures et n’a parfois pas le crédit qu’il mérite.
Malheureusement, c’est dans ce contexte que le changement climatique fait planer au-dessus de nos têtes les menaces de sécheresses, d’inondations, d’événements extrêmes plus fréquents : autant de difficultés qu’il va nous falloir gérer pour permettre l’approvisionnement alimentaire de tous. De la survie de nos écosystèmes dépend l’atténuation des problématiques environnementales (captage du carbone) et notre résilience alimentaire.
Les solutions existent mais il faut agir à tous les niveaux, partout, dès maintenant :
- en réformant l’agriculture par le développement de l’agroécologie, la sortie des intrants néfastes, la remise en question de l’élevage intensif, etc… Tout cela en soutenant les agriculteurs dans ce changement de paradigme, en favorisant l’installation et les liens entres exploitants, mais aussi en rendant cette profession plus attractive.
- en relocalisant l’alimentation localement (mais partout dans le monde). La résilience alimentaire doit être étudiée au niveau local en comprenant tous les maillons de la chaîne agricole, avec l’appui des acteurs du territoire et la conscientisation des consommateurs.
- en sanctuarisant les espaces de biodiversité, en diversifiant les variétés et en favorisant la vie sauvage (diminuer les prélèvement marins notamment).
Ces changement ne pourront se faire que par une remise à plat de la répartition des aides et taxes des politiques communes, qui devra tenir compte des impacts environnementaux et non pas uniquement de la production et de la rentabilité.
Toutes ces solutions nécessitent une transformation profonde de notre société, des mentalités, dans tous les domaines et à tous les niveaux (consommateur, territoires, entreprises et politiques) afin de mettre la biodiversité au centre des priorités.
Revue de presse associée
Constats généraux sur l’état de la biodiversité
Interview d’Hélène SOUBELET sur les constats de la dégradation de la biodiversité et les liens avec le Covid (6 avril 2020). Pour ceux qui n’ont pas d’abonnement chez Mediapart on retrouve les idées sur cet article (8 avril 2020).
Alors que le GIEC étudie le climat, l’IPBES est la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les risques écosystémiques (qui regroupe des scientifiques de quelque 130 pays), et qui a pour rôle d’assister nos chers gouvernements sur les problématiques environnementales. Et il faut dire que leur dernière évaluation mondiale n’est pas très rassurante (2019).
Dégradation du sol, déforestation, élevage
La dégradation des sols en 5 chiffres chocs sur le site de Novethic (19 décembre 2019).
Sur l’utilisation des terres agricoles en Europe, dont 71% sert à nourrir le bétail, un article du journal de l’environnement (12 février 2019).
Article sur les conséquences de la culture du soja, qui le consomme, où est-il cultivé, ses impacts et quelles pistes d’amélioration envisager ? La Relève Et La Peste (29 avril 2018)
Pollution de l’air
Un document de l’Ademe intéressant pour sa description du lien entre l’agriculture et la pollution de l’air. Il explique notamment les problématiques liées à l’épandage que l’on pourrait résumer ainsi : les particules PM10 à l’origine des pics de pollution sont parfois des nitrates d’ammonium, une combinaison entre des oxydes d’azote (issus de la combustion fossile) et de l’ammoniac essentiellement agricole. L’agriculture est responsable des 94% d’ammoniac rejeté en Europe dont 75% uniquement par les effluents d’élevages, lisiers, fumiers… L’ammoniac est un gaz précurseur qui en fonction des conditions météorologiques peut se déplacer sur des centaines de km et expliquer les pics de pollution en période d’épandage, dans des villes éloignées des campagnes.
Épandage de lisier dans une ferme en Écosse – CC-By par Brian Forbes
Article sur les liens entre la pollution de l’air et le coronavirus. On y apprend notamment que les émissions d’ammoniac sont corrélées aux cours des céréales (quand les prix proposés sont élevés, les agriculteurs sont incités à augmenter leur production en investissant dans les engrais). Sciences et avenir (20 mars 2020).
Les pesticides
Comment des pesticides utilisés au Brésil se retrouvent dans nos assiette, territoire où ils sont interdits? Article Bastamag (2 juillet 2019)
Contre les pesticides, restaurer «de la diversité afin de favoriser la lutte biologique» Mediapart (19 septembre 2019)
Le système politico-financier
Les menaces du CETA sur l’agriculture, action d’ATTAC au salon de l’agriculture
Coupe de budget pour le développement rural (bio, environnement) prévue pour la prochaine réforme de la PAC : article Ouest-France (23 octobre 2019)
L’agriculture en France
Article de Bastamag qui explique, derrière l’appel massif de travailleur dans les champs, les conditions précaires de travail et les dérives du systèmes (17 avril 2020)
Conséquences de la baisse du nombre d’agriculteurs en France : un court podcast France Culture (25 février 2020)
Tribune de l’association Terre de liens pour relocaliser notre agriculture : faire germer les jours d’après (8 avril 2020)
Les futures conséquences de la crise sur le système alimentaire
Dans cet article l’association les greniers de l’abondance résume les effets directs de la crise sanitaire sur le système alimentaire des pays industrialisés.
Pour aller plus loin
Le rapport sur les aides publiques dommageables pour l’environnement : “Les experts réunis ont reçu pour mission d’inventorier les aides dont le lien de causalité avec le déclin de la biodiversité est démontré, et de proposer des pistes de réforme.”
Guide des Greniers de l’Abondance sur la résilience alimentaire.
Argumentation pour une autosuffisance alimentaire au niveau communal.